dimanche 1 juillet 2012

"Libérer l'esprit ? : le Jeu de l'après-mort/avant-vie ou l'entre-de(ux) vie(s) dans World Of Warcraft"

"Libérer l'esprit ? : 
le Jeu de l'après-mort/avant-vie ou l'entre-de(ux) vie(s) dans World Of Warcraft"

« Oh non ce n’est pas possible ! »
« je suis déjà mort ! »
« Mais qu’est-ce que c’est que nouveau monde ! »
« Tiens, que dois-je faire à présent ?»

La première fois que je suis mort à World Of Warcraft, c’est-à-dire, quelques minutes seulement après mon début de partie dans ce nouveau monde, j’ai découvert une nouvelle façon de jouer, dans ce que je propose d'appeler "l’après-mort/avant vie", au-delà du Jeu explicite du Jeu vidéo, dans l'entre-deux du Jeu. L'expérience de la mort dans Wow m'a permis de découvrir une nouvelle facette du travail avec et à partir de la mort dans le Jeu vidéo.
"Adana corne-tonerre" qui forme les jeunes combattant-chasseur Taurens, à Mesa de nuage rouge près de Narache, mon lieu de naissance en Mulgore, m'a demandé en tant que jeune débutant, d'aller tuer des sangliers de guerre dans un enclos situé non loin d'un des ennemis "dos-hirsute" de mon clan.
Après avoir accepté la quête, je me dirige en utilisant la carte et la boussole située en haut à droite de l'écran afin de me rendre sur les lieux. J'y découvre alors un enclos ouvert contenant de nombreux sangliers de guerre attroupés autour de plusieurs bac de nourriture. Outre le fait que je puisse pénétrer si facilement dans cet enclos, je suis aussi surpris que ces sangliers de guerre soient si pacifique en apparence, et cherchent pas à s'enfuir.
En pointant avec la souris l'un de ces animaux, je lis leur nom ce qui me permet de les identifier. Je remarque alors que la couleur du curseur est jaune, ce qui signifie que ces créatures ne sont ni "amies", sans quoi la couleur serait verte et je ne pourrais les pointer en vue d'une attaque, ni "hostiles" sinon la couleur de pointage aurait été rouge.
Cette "mission" que ma confiée Adana corne-tonerre est intéressante car il s'agit pour la première fois de s'attaquer sciemment à des créatures qui ne sont pas menaçantes au premier abord, il s'agit donc de provoquer l'affrontement, donc d'agresser ces animaux.
Je m'approche suffisamment près de ce sanglier en vue de déclencher une attaque. Un message me prévient que je ne suis pas encore assez près et que je dois me rapprocher davantage. une fois à portée je m'apprête à cliquer sur le bouton de la souris.
Je l'attaque ce qui déclenche une réaction de défense de sa part et le combat s'engage. A ma grande surprise, le sanglier est plus robuste que je ne l'imaginais et il se montre plutôt puissant dans ses attaques répétées et beaucoup plus résistant à mes coups que je ne l'avais prévu. Ma barre de vie descend dangereusement. J'essaie d'ouvrir mon inventaire pour me nourrir de quelque chose qui pourrait me permettre de récupérer un peu de vie que j'ai perdu et qiu commence à être dangereusement basse. Je découvre alors que contrairement à d'autres jeux vidéo auxquels j'ai joué auparavant, il n'est pas possible de se régénérer pendant un combat dans Wow. Ce point de réalité, qui diffère d'autres jeux de types R.P.G. ou assimilés est intéressant car pour reprendre de la vie dans ce jeu vidéo, il faut accepter de s'asseoir pour manger ou boire, ce qui suppose de prendre le temps et de suspendre le combat. Or, une telle action n'est pas réalisable lorsque l'on est déjà engagé dans un affrontement. Je suis condamné à assister à la mort de mon héros. Malgré toute ma dextérité et mon envie de réussir, mon personnage finit par tomber sur le sol...sur le ventre en poussant un cris...
L'image s'arrête au dessus de lui et rien ne se passe.
C'est pourtant paradoxalement à ce moment là que je découvre un autre aspect du jeu.
Un message apparaît à l'écran et affiche le message suivant "libérer l'âme".
Je dirige le pointeur de la souris sur ce message et clique dessus.
Je suis surpris car en lieu et place de retrouver la vie, comme dans la plupart des jeux vidéo, mon action déclenche un temps de chargement tout à fait surprenant.
Je me retrouve alors dans un endroit non loin de celui ou j'ai "chuté", mais sans pouvoir au départ me repérer. Je me retrouve de nouveau dans "la peau de mon avatar" mais de nombreux éléments de l'environnement ont changés. Je ne comprends alors que quelques secondes plus tard que le fait de "libérer l'esprit" est une action qui permet une dissociation du corps et de l'esprit de l'avatar. Je ne manipule donc plus mon corps mais mon esprit qui en est semble-t-il une copie conforme, et qu'il va me falloir diriger pour retrouver mon corps et ainsi reprendre la partie...
Je me retrouve face à un personnage non-joueur qui ressemble à l'ange de la mort au dessus duquel est écrit "Gardien des âmes". Nous sommes dans un sanctuaire avec autour de moi des sépultures. Une musique planante et des murmures de voix flottante donne une atmosphère toute particulière comme une enveloppe de brume qui entoure ce lieu. Au départ, j'ai l'impression que je suis dans un endroit clos auquel s'applique ce graphisme et cette interface particulière, et que je vais pouvoir en sortir. Je remarque que l'âme de mon avatar est une version éthérée de son corps, une copie conforme mais transparente.
Je suis dérouté sur l'instant car il va me falloir retourner sur le lieu précis de mon décès...comme un fantôme qui errerait en vain pour trouver le repos en revenant sur le lieu où il a été tué. Durant cette phase, l'écran représente le monde de Wow à travers un prisme de couleur particulière entre le blanc et le translucide. Cette interface nouvelle m'évoque immédiatement ce que j'ai vu au cinéma dans la série le "Seigneur des anneaux" lorsque le héros, Frodon le Hobbit met l'anneau unique à son doigt et qu'il se retrouve dans un monde parallèle à la réalité, ou plutôt le même monde vu sous un autre plan.
En manipulant mon esprit et en cherchant à "réintégrer mon corps" je remarque que certaines règles implicites du Jeu vidéo qui s'appliquent lorsque l'on est "vivant", ne s'appliquent plus pendant cette phase intermédiaire. D'une part, mon âme est plus légère et plus facile à manier. Les déplacements de l'avatar-esprit sont plus rapides et offrent une aisance de mouvement. D'autre part, il est possible de marcher sur l'eau. Je remarque également l'absence totale d'ennemis : je suis seul, dans ce plan, seul à errer dans ce monde désert et de transparence... un désert de solitude. Je ne peux retrouver le chemin de la réincarnation qu'à l'aide de la boussole située en haut à droite de l'écran, et qui m'indique avec une flèche de couleur rouge et par la suite un petit cercueil, la direction à suivre pour retrouver mon corps.
Je comprends que je suis simplement dans un plan différents et que je dois retourner sur le lieu de ma mort. En peu de temps me voici tout prêt. Au moment où je suis presque revenu exactement au même endroit, un message apparait à l'écran : "voulez-vous revenir à la vie ?". Ah enfin ! Je fais avancer mon personnage jusqu'à voir mon corps étendu sur le sol. Puis, je dirige la souris sur le message "revenir à la vie" et je clique. Mon avatar réapparait, à l'endroit où je suis tandis que mon "précédent corps" jusqu'alors étendu sur le sol, s'est volatilisé. .L'interface reprends ses couleurs et l'apparence que je lui connaissais :
je suis de retour en Mulgore...
Pistes de réflexion
Ces vignette me permet de proposer quelques éléments à la réflexion.
Voici donc quelques éléments de réflexions à la fois sur les enjeux autour de l'apparition de la mort dans le Jeu vidéo ainsi que ses différentes variantes et les implicites qu'elle véhicules.
La mort dans le Jeu vidéo
Dans la plupart des Jeux vidéo auxquels j’ai joué, et ils sont très nombreux depuis l’âge de mes huit ans, j’ai appris à connaître quelque chose de commun à tous les différents types de Jeux : la mort appelée le "Game Over".
Dans les premiers Jeux vidéo de l'Histoire qui font office aujourd’hui d’antiquités ou de "fossiles" témoignant de la préhistoires du Jeu vidéo pour certains, mais également encore aujourd’hui dans de nombreux Jeu plus « actuels », la mort se re-présente sur l’écran par un arrêt et un changement du système des règles implicites et explicites qui régissaient le jeu jusqu’alors par l’intermédiaire de la jouabilité que nous nommons le Gameplay. Dans tous les cas, la fin de la partie est signifiée sur plusieurs plans : le visuel et le son, voire parfois même le toucher avec les manettes et joysticks à retour de force.
Dans les tous premiers Jeux vidéo, la fin de la partie n’est pas systématiquement signe de mort au sens ou nous l'entendons couramment et qui apparait aujourd'hui comme une évidence.
Tennis For two : quelle fin(faim) pour un jeu sans corps et sans fin
Dans le célèbre "Tennis For Two", créé en 1958 par William Higinbotham, et considéré comme l'ancêtre du célèbre Jeu vidéo Pong, l’incarnation de chacun des « Joueurs » n’est pas visualisable en tant que telle. Dans ce qui fait office de premier jeu vidéo construit sur un circuit analogique et affichée sur oscilloscope à tube cathodique pour distraire les visiteurs des journées portes ouvertes du laboratoire nationale de Brookhaven, seul le mouvement de la représentation de la "balle" de tennis est perceptible à travers le point qui se déplace sur l'écran. L'écran n'affiche que le sol et le filet du court de tennis vu de profil. Les joueurs sont "présents" dans le jeu à travers leur "absence" : absence des corps et même absence d'un signifiant visuel de leur incarnation. De plus, le Jeu ne dispose pas en lui même d'un affichage de score qui viendrait poser un cadre permettant de déterminer une fin de partie. Ainsi la "fin de la partie" concerne l'arrêt d'une action de coopération/rivalités entre deux joueurs.
Spacewar : le début de la fin
Ce n’est qu’avec le non-moins célèbre "Spacewar !" créé en 1962 par Steeve Russell à partir du processeur PDP-1 Progammed Data Processor, et avec l’aide de son équipe du Massachusetts Institute of Technology,  que la question de la fin dans le Jeu vidéo se rapproche de celle de la mort. En effet, dans Spacewar, chacun des deux joueurs en présence, se voit attribué une première forme d’incarnation, à travers un vaisseaux spatiale individuel dont il contrôle la trajectoire ainsi que les tirs de missiles. Nous sommes alors à l'aube de ce que nous nommons aujourd'hui, et peut-être un peu rapidement, "l'avatar". A partir de ce Jeu vidéo très novateur, la « fin du Jeu » dans le Jeu vidéo est représentée pour la première fois par la disparition à l'écran de l'un des deux vaisseaux qui une fois touché par un missile ennemi est désintégré, atomisé et se pulvérise en minuscules morceaux dans l'espace intersidéral. Les innovations introduites par Space war et reprises par ces successeurs ont de nombreux effets sur les enjeux implicites du Jeu vidéo, les opérations psychiques qu'ils sous-tend en tant qu'activité (attraction, répulsion anticipation, sollicitation du processus attentionnel, prédiction de trajectoire), les circonstances de la défaite mais aussi et surtout sur "l'idéologie embraquée". Tout d'abord, cette première "génération" de Jeu vidéo introduit la mort comme un effet purement et exclusivement visuel. L'absence de dispositif sonore fait de la "mort" d'un des deux joueurs en présence une figuration à l'écran par la disparition du "corps" du vaisseaux qui est fragmenté en une multitude de petits morceaux. La première "mort" de l'histoire du Jeu vidéo est donc une mort par fragmentation, atomisation, désintégration et dissémination dans le vide de l'espace qui est représentée comme un vide gigantesque par rapport à la surface occupée à l'écran par le vaisseau spatiale. Ensuite, le Jeu vidéo en tant qu'objet culturel nous apprends également ici la manière dont les concepteurs "perçoivent" le contexte de cette mort potentielle : si déjà dans Tennis For Two, nous pouvons observer une mise en image de la situation géo-politique et stratégique de l'époque de la guerre froide, y compris dans son contexte d'émegence et sa matérialité, le jeu vidéo Spacewar va beaucoup plus loin dans la transmission des idéologies et enjeux implicites de son temps malgré un gameplay et un principe de jeu très différents d'un jeu à l'autre. Tennis For Two a été développé sur un écran d'oscilloscope rappelant celui d'un radar à une période de guerre froide représentée par des enjeux de lutte idéologique entre deux super blocs se renvoyant la balle, conflits notamment marqué par certains événements significatifs tels que l'affaire des missiles de cuba, justement en 1962. Pour Spacewar, l'implicite du jeu est encore plus parlant : en pleine période historique de la guerre froide avec des enjeux de rivalités, d'affrontement à distance entre deux corps idéologiques qui se disputent la suprématie des territoires du monde, une période d'apogée de la menace d'une atomisation nucléaire de l'humanité, une période de course à la conquête spatial, il s'agit de jouer à se tirer dessus à distance avec le risque de se retrouver atomisé dans l'espace... La mort est ici liée au mouvement, au déplacement et à la prévision des trajectoires ennemies que l'on ne combat que de loin.
S'en suivra tout un ensemble de Jeu où la question de l'envahisseur sera reprise...
L'aspect quantitatif de la mort de la Jeu vidéo
L'aspect visuel se retrouve un peu plus tard dans les premiers jeux qui affichent un message signifiant la fin de la partie, associant ainsi à la "mort", un message venant l'annoncer au joueur une "fin de l'histoire", dans une forme de mimétisme avec le cinéma dont beaucoup de logiciels reprendrons les thèmes, les histoires et les héros.
Par la suite, dans de nombreux jeux, notamment avec l'apparition des premiers jeu d'arcade et ses finalités mercantiles, la dimension du nombre de vies apparait afin de mettre une fin définitive à la partie jouée. Le Jeu vidéo est au départ une affaire qui est loin d'être rentable et promise à un avenir assuré. Il convient donc de pouvoir séduire de nouvelle catégories de joueurs.
D'une dimension uniquement formelle, au sens d'une forme vue qui disparait, le phénomène de la mort dans le Jeu vidéo procède d'un passage vers une représentation de la perte, qui est associée à une diminution du « nombre de vie » venant signifier alors à la fois la perte pécuniaire, de la somme d'argent investie dans la partie, argent qui est donc jouée en sachant qu'elle est perdue (contrairement aux Jeux de hasard et aux casino de l'époque) mais aussi le nombre de fois que la partie est jouable, c’est-à-dire du nombre de fois que l'action du Jeu vidéo pourra être recommencée et répétée avant la fin définitive du Jeu.
Lorsque les premiers sons apparaissent, la mort vient également se servir de ce nouveau canal pour se présenter à l'aide d'une tonalité toute particulière qui rompt avec la dynamique du Jeu.
La musique apparait ensuite dans le Jeu vidéo, donnant alors à la mort une dimension nouvelle tragico-comique ou dramatique. Cette fois, le moment de la mort du personnage est signifiée par l'arrêt ou  un changement de musique.
C'est avec l'arrivée des consoles 8 bits que la perte de la vie ou la fin de la partie rassemble à la fois les éléments visuels, sonores et musicaux qui viennent symboliser à l'écran la fin de la partie.
L'aspect qualitatif de la mort dans le Jeu vidéo
D'une mort très symbolique et suggérée voire sous-entendue, qui conservait l'apparence du personnage, c'est-à-dire qui conservait l'unité perceptive de la forme qui servait de réceptacle à l'incarnation du joueur dans le Jeu vidéo, et qui était accompagné des effets qui rendaient ludique la perte de la vie, le Jeu vidéo va progressivement faire une place importante à la "mort spectacle", la mort du corps, attaqué, parfois déchiré, broyé, arraché, filmée sous divers angles de vue parfois revisionnable et sauvegardée (dont on conserve une trace), avec un ralenti, et une mise en scène toujours plus impressionnante, rallongeant ainsi le temps de la mort dans le Jeu vidéo. C'est ainsi une évolution quant à la forme qui s'est opérée dans le Jeu vidéo à partir du moment où la mort a pu se représenter comme quelque chose qui était racontable.
Parmi les effets employés nous pouvons observer la mise en scène de la chute du corps du personnage sur le sol ou le fait de le voir disparaitre de l'écran, comme s'il sortait du cadre du Jeu qui jusqu’alors le portait, et souvent avec un ralenti et des effets d'accentuation et de dramatisation (position théâtrale, effusion de sang, titubations...). Nous pouvons également observer un court changement de l'angle de la caméra.
Dans les Jeux les plus récents, la mort a été progressivement introduite comme un élément tout à fait central.
A partir des années quatre vingt dix, les progrès technologiques ainsi que la coordination entre les différents canaux sensoriels sollicités dans le Jeu vidéo permettent une nouvelle mise en forme de la représentation de la mort. La mort commence à prendre un tournant central dans le Jeu vidéo à travers la centralisation sur sa mise en scène et l'attaque du corps qui alors détruit, attaqué et dépecé.
Dans le jeu "Mortal Kombat" de Midway, sorti en 1992, les concepteurs ont l'idée de faire de la mort le thème central sinon le but du gameplay. Outre une ambiance lugubre, une atmosphère inquiétante, des personnages plutôt hostiles, et pour la premières fois pour certains voilées et masqués, ce jeu vidéo de baston en 2D propose de "finir" son adversaire étourdi à l'aide d'une "Fatalité" exagérément gore qui finit par un éclatement du corps en morceaux, en chaires sanguinolente et en os. L'enjeu du Jeu avec la mort est renforcée ici par l'utilisation d'images digitalisées, c'est-à-dire par l'utilisation d'images de personnes réelles qui ont été introduites dans le Jeu vidéo. Ainsi, la "matérialité de l'outil", ou la qualité perceptive de l'image prise de corps d'acteurs réels, renforce-t-elle une immersion dans un univers où la mort est devenu "monnaie courante".
D'autres jeu tels que "Killer instinct" notamment vont s'inspirer de se question du meurtre de l'autre et de la disposition de son corps.
Depuis les premiers Jeu vidéo nous pouvons remarquer que le mort est figurée par une suspension des commandes du joueurs perdant c'est-à-dire par une immobilisation du personnage et une impossibilité temporaire pour le joueur, d'interagir avec le Jeu vidéo comme il le faisait jusqu'à présent.
La mort au panthéon du Jeu vidéo
La mort fini ensuite par devenir même l'élément centrale de l'intrigue comme dans les Jeux of "Shadows Of the memories" ou encore le célèbre "Legacy of Kain : soul reaver. Si les précédents jeu tels que Mortal Kombat débute par une histoire de personnages "vivants" qui vont être amené à mettre en scène la mort, Shadows of the memories et Soul reaver introduisent l'histoire même autour à partir de la mort. Dans Shadows of the memories le Jeu commence justement par l’assassinat du héros que le joueur est invité à incarner. A partir de sa mort, le joueur va pouvoir effectuer des voyages dans le temps afin de comprendre les intrigues qui ont conduit à cet événement.
Dans Soul Reaver, le jeu commence par mettre en scène une situation assez originale pour l'époque de sa sortie en 1999. Le Jeu présente, Kain, le héros-vampire que le joueur jouait au préalable s'il avait acheté le titre précdent "Blood Omen : legacy of Kain". L'histoire se déroule plus tard après l'assise du pouvoir de Kain qui gouverne le monde de Nosgoth d'une poigne de fer à l'aide de ses lieutenant. D'ordinaire, les vampire subissent des mutations qui les font ressembler de plus en plus à des être divins et à s'éloigner de leur apparence humaine. Selon l'ordre établi, c'est toujours Kain qui développe de nouvelles aptitudes avant les autres. Cette fois, son lieutenant Raziel le devance, rompant ainsi la règle établie. Kain lui arrache les ailes, ne lui laissant que des appendices brisés avant de le jeter dans l'abimes au mort où il le laisse souffrir éternellement. Outre un scénario très travaillé mettant en scène et en vidéo une rivalité œdipienne à peine voilée, "legacy of Kain : Soul Reaver" propose d'une part au joueur d'incarner une créature héroïque déchue (mi-homme mi dieu mais déjà mort) et de tuer le personnage qu'il a incarner dans le Jeu précédent.

La mort dans Wow : je meurs donc je vis ?

Ce détour et ses nombreux éléments nous permettent d'envisager la mort dans wow d'une nouvelle façon.
D'emblée, cette situation de la mort dans wow est inhabituelle et très intéressante. En effet, dans de nombreux Jeux vidéo, la mort était autrefois un phénomène rapide qui conduisait automatiquement à la "résurrection" du personnage sans intervention du joueur, et de son départ depuis le début du "monde" en cours, ou à partir du dernier point de sauvegarde. Dans wow, il est demandé au joueur s'il souhaite non pas revenir à la vie immédiatement, mais s'il accepte de libérer l'esprit de son avatar. Ceci peut s'entendre comme une invitation à une désolidarisation ou une acceptation à un renoncement et à un clivage. Il convient alors de déplacer la souris pour cliquer sur le message.
Autrement dit, la poursuite de la partie, la continuation du Jeu vidéo demande que soit effectuée une action spécifique : il convient de faire faire quelque chose de particulier à/avec l'esprit de ce personnage, à savoir de retourner là où son corps est tombé.
C'est la première fois que je joue à un Jeu vidéo proposant ce type de réincarnation "active" ou participative.
Cette phase du Jeu est tout à fait particulière pour quelqu'un qui n'a jamais joué à Wow. En effet, dans la plupart des Jeux vidéo, la mort est un phénomène dont le déroulement peut être plus ou moins variable et dramatisé comme nous l'avons vu précédemment. En revanche, rares sont les jeux qui proposent, à l'instar de Wow, d'allonger la phase de transition entre la mort et le retour à la vie qui représente alors, dans la plupart des jeux, le recommencement et/ou la poursuite de la partie, souvent depuis le début du niveau ou encore depuis l'endroit du "décès".
Je me souviens du Jeu vidéo "Counter Strike", qui proposait le principe d'être un "fantôme" lorsque l'on était tué, et de devoir attendre le dénouement de la partie en cours, c'est-à-dire la mort de tous les membres de l'une des deux factions en concurrence, pour pouvoir revivre. Ici, le monde de wow durant cette phase intermédiaire entre la mort et la réintégration du corps présente une apparence différente qui laisse supposer qu'il s'agit d'une nouvelle forme du Jeu dans le jeu.
Déjà dans "Counter Strike", le statut de "fantôme" c'est-à-dire de "mort jusqu'au commencement de la manche suivante" offrait la possibilité de traverser les murs ou de s'élever dans les airs sans tenir compte de l'apesanteur. Un fantôme pouvait également suivre un joueur-vivant ou se téléporter directement et successivement près des autres joueurs : gardant ainsi l'idée d'une présence/absence, un "Je te vois mais tu ne me vois pas" qui semble être l'ancêtre du Jeu de cache/cache. Cette propriétés donnait lieu à de nombreux détournement puisqu'un joueur devenu « fantôme » pouvait alors dénoncer la position d'un adversaire, voire même, et c'était souvent le cas, de celui qui l'avait tué juste avant.
La Mort dans Wow est représentée par un statut original qui se distingue de celui de Counter Strike sur plusieurs points. Certaines règles qui s'appliquent durant la partie de Jeu "vivant" sont suspendues mais le joueurs reste soumis à certaines règles implicites qui donne à ce statut de mort, une position particulière. Le joueur peut certes se déplacer plus vite et marcher sur l'eau mais il ne peut ni traverser les structures comme les arbres ou les montagnes ni s'émanciper de la Loi de l'attraction terrestre alors que l'âme a été "libérée". La présence d'un corps à rechercher pour le réintégrer me fait penser sur le coup à quelque chose justement en lien avec l'attraction (la traction) du corps.
Cette phrase de l'entre-deux entre le jeu en lui-même, avec la mort, et la reprise du Jeu en cours, m'évoque un sentiment de malaise mêlé à une curiosité et un plaisir important.
Nous pourrions proposer l'idée que la mort dans wow est rendue comme un phénomène qui introduit une phase transitionnelle dans l'activité de Jeu. Rien n'empêche le joueur de resté "mort", et le processus de retout à la vie est également actif. L'entre-deux vies de wow offre un espace de reprise de la situation de lamort en permettant au joueur de refaire une partie du chemin qui a aboutit à la fin de la partie.
Simultanément, la mort dans wow n'est une mort car elle ne vient pas signifier de quelque manière que ce soit une fin de la partie : on ne peut pas vraiment mourir dans wow.

A suivre...

samedi 23 juin 2012

 World Of Warcraft : quand le Jeu n'est plus du Jeu - quand le cadre se met à parler - 

« Mais qu’est-ce qui se passe ? »
« Mais qu’est-ce qu’il fout là celui-là ? »
« Il a rien compris ou quoi ? »
« C’est du n’importe quoi ! »
« Mais c’est moi ou bien ? »
« Je n’y arrive pas, j’ai l’impression que je ne suis pas bon »

 
Voici quelques unes des réflexions spontanées qui me viennent bien malgré moi, avec un mélange de malaise et de colère, au moment où nous terminons l’Instance…péniblement et avec un sentiment très désagréable et persistant. Je remarque au moment de l’écriture de ce texte, une gêne particulière à aborder ce sujet d’un déplaisir qui traduit le moment où le Jeu a cessé d’être du Jeu…au moment où la perte de maîtrise mais surtout l’impression de perte de l’implicite garantissant le Jeu vient se manifester.

C’est après la fin de cette aventure qui a durée peu de temps que je me suis interrogé sur la survenue de cet affect de colère et de ce vécu qui semblait être partagé et dont nous avons parlé avec certains membres du groupe encore présents.

Retour en arrière

Depuis que je suis né dans Wow au sein de la Guilde Ordalie en tant Tauren-druide par un beau jour Juin en Mulgore, tout à toujours été calé, presque implicitement, sans que nous ayons à nous parler pendant de longues heures…Les choses m’ont été expliqués simplement et j’ai rapidement appris à me mouvoir dans ce monde encore inconnu, en me familiarisant progressivement avec l’interface.

Mon initiation, qui fait l’objet d’une suite d’articles, témoigne de la manière tout à fait singulière avec laquelle j’ai été accueilli au sein de cette grande famille Ordalie, dont le nom n’est pas sans rappeler ce dont je parle à plusieurs reprises d’un comportement venant faire intervenir le hasard, le jugement divin, ou l’épreuve de soi à travers les autres et la place dans le monde. L’ordalie est ainsi la remise au jugement divin envers les personnes accusées à tort de sorcellerie, une épreuve ultime dont le dénouement est presque connu d’avance, convoqué comme un signe du destin pour celui qui sert de bouc émissaire au groupe social. C’est un mécanisme de régulation de la violence inhérente à la vie en société… Mais c’est aussi un rite de passage que s’inventent les jeunes gens, notamment les adolescents en mal de repères dans notre société au sein de laquelle les piliers et bouées d’un système paternaliste, ont progressivement disparus. L’anthropologie nous apprend que justement les nouvelles technologies ont introduit une nouvelle forme de rapport au monde qui rend caduques les principes même de ce qui constitue le socle de notre éducation, et nous pourrions dire par extension, à ce qui précisément constituait le socle de nos êtres plusieurs, nos singuliers pluriels. Ceci vaut peut-être également avec ce qui définit notre identité de soignant, hérité d’une formation incomplète qui nous laisse à construire le socle de connaissances avec lequel travailler. C’est ce qui fait dire à certains auteurs que nous devenons alors tous, Hommes du vingt et unième siècle, comme des nomades, éternels vagabonds errant peut-être parfois dans le cyberespace à la recherche des coordonnées hyperspatiales de la planète ou de la terre promise…

Ordalie, c’est également, et c’est ce qui nous réunit, une « Horde-à-lit », une Guilde d’analyse sans divan, mais devant un écran, sur un lit numérique qui remplace désormais la couchette du train utilisé comme métaphore de l’analyse, avec tout ce que cela suppose de la découverte, de l’exploration et de surprise.

A peine ErutanAcum, « Eru » pour les confrères de la Guilde, est-il apparu au sein de Wow, ses parents sont venus l’accueillir alors qu’il faisait se premiers pas seuls…déjà.
Presque spontanément, et sans grande cérémonie, j’ai été intégré avec bienveillance, simplicité et chaleur par mes deux « parents » que j’ai rencontré successivement.
Tout d’abord, j’ai été accueilli par Maitre Ocakr, mon parrain, un puissant et majestueux Tauren qui m’a regardé d’un œil bienveillant faire mes premiers pas dans le Jeu et affronter mes premiers ennemis pour défendre mon village... C’est lui qui le premier est venue à ma rencontre pour me voir débuter et m’encourager à poursuivre, et avant de me laisser découvrir le monde par moi-même.
Puis, je rencontrais celui avec lequel nous nous sommes choisi respectivement, Maitre Ouriagan, le Maitre de la Guilde Ordalie dont j’ignorais alors la fonction au moment de notre premier échange. C’est lui qui m’enseigna notamment la langue Taurahe, la langue-mère des Taurens, et avec lequel je me suis battu et contre lequel j’ai bien sur perdu, dans une sorte de rite d’initiation du futur Tauren-druide-tank que je deviendrai…déjà impatient d’en savoir davantage.

Mon initiation, qui fait l’objet d’une suite d’articles, a été très agréable autant pour ce qui concerne le jeu sur wow, la découverte des différentes contrées, l’apprentissage de l’interface et de la manière de la manipuler, que pour ce qui relève de la participation à une Instance.

L’Instance : un Jeu dans le Jeu

Si je choisi de distinguer le Jeu à wow du Jeu dans l’Instance c’est pour souligner précisément une différence importante, souligné par d’autres avant moi par ailleurs. L’Instance fait figure de Jeu dans le Jeu dans la mesure où il s’agit d’une scène particulière répondant à une exigence de préparatifs et à un ensemble de règles spécifiques.
Avant même de pouvoir « faire une Instance », il faut choisir une quête particulière qui nécessite de se rendre à un endroit précis. L’instance en elle-même est séparée du reste du monde jouable par une vitre, une porte d’entrée transparente qui ressemble à un tourbillon de vent. Le fait de passer cette porte induit « un temps chargement » de la part du Jeu vidéo qui fait transition entre « l’extérieur » et « l’intérieur », entre un milieu ouvert, espacée et lumineux, et un milieu fermé, plus resserré et étroit, sombre, avec un chemin prétracé.
L’instance c’est aussi une nécessaire et indispensable participation des trois types de fonctions sans lesquels ce type de Jeu n’est pas possible, avec un nombre limité à cinq participants. Lorsque nous décidons de faire une Instance, il convient tout d’abord de choisir son rôle entre celui de Tank, qui protège les autres en attirant les ennemis sur lui et qui encaisse les coups, celui de DPS qui consiste à tirer et attaquer à distance en infligeant le maximum de dégâts par tire et celui de Healer qui consiste à soigner.

Au commencement, lors de ma première instance, j’ai été surpris de cette répartition bien claire des positions et des rôles de chacun, pensant même qu’il s’agissait d’une structuration caricaturale et un peu trop rigide, qui dénaturait potentiellement la spontanéité du Jeu et empêchait de jouer successivement plusieurs rôles. Or, wow est un « M.M.O. », ce qui suppose de pouvoir jouer des rôles différents… Ma représentation du Jeu vidéo comme un cousin éloigné du rêve me faisait m’interroger sur cette impossibilité d’interchanger les places en cours de partie, du moins, en cours d’Instance. Je compris très tôt que « le Jeu sur Wow, c’est du sérieux », et que le succès d’une Instance, d’un raid, est directement tributaire de l’harmonie et de l’accordage proche de l’osmose, voire d’un vécu de symbiose, entre les différents personnages en présence qui incarne sur l’écran l’idée d’une inter-dépendance réciproque et de différentes formes. Bien que cette distribution des rôles aussi distinctement établies m’ait toujours paru plutôt limitante, je m’y étais rapidement adapté au point que les Instances que nous effectuions avec le groupe de la Guilde, se déroulaient avec une simplicité et une « évidence » presque magique. Ceci signait sans doute le partage et la contribution à une illusion groupale qui nous faisait tenir ensemble comme un seul, mais aussi, comme je m’apprête à le raconter, comme un groupe qui se pense comme un bon groupe par rapport aux autres. Chacun semblait alors adopter une posture en fonction de sa spécialisation de personnage mais aussi en rapport avec son choix de rôle à jouer durant l’Instance. En tant que Tank, la distribution des rôles suppose que je sois habitué à être sur le devant de la scène, au cœur de l’action et au corps-à-corps, directement confronter à l’action, aux attaques et à l’éventualité de la mort. Ma fonction de Tank consiste à charger les ennemis et à gérer  « l’Aggro », c’est-à-dire de susciter la colère, d’attirer sur moi uniquement, l’attention et la haine de nos ennemis afin de préserver mes compagnons de route. J’ai pour cela développé des aptitudes particulières permettant de « reprendre l’aggro », c’est-à-dire d’attirer vers moi des ennemis qui ont déjà pris pour cible un de mes confrères du groupe. Je compris alors combien le Tank est celui qui gère la bonne distance et doit s’occuper à la fois de son groupe, celui auquel il appartient, et le groupe d’ennemi dont nous pourrions dire qu’il en est l’émissaire…à l’interface entre deux monde.

Une Instance pas comme les autres

Pour cette Instance, j’ai été contacté par le biais des messages adressés à la Guilde, afin de jouer une instance, même courte.
Lorsque j’ai accepté d’y participer, je n’avais pas remarqué que pour une fois il ne s’agissait pas d’une instance « interne » à la Guilde, au sens où tous les participants n’appartenaient pas  à notre Guilde. En effet, il est tout à fait possible
Au moment où nous commençons à avancer dans l’Instance, je ressens assez rapidement que quelque chose ne vas pas sans pouvoir immédiatement le dire. Quelque chose semble inhabituel, comme de l’inconfort ou de la gêne. Alors que je m’élance en forme de félin pour gagner en vitesse et que je me transforme en ours juste au moment de la rencontre avec les ennemis, je suis surpris dès le départ, et à plusieurs reprises, par un phénomène inattendu : alors que je m’attends, comme en temps normal, à être la cible privilégiée de la rage de mes ennemis, à subir leur assauts tout en regardant ma barre de vie baisser sous leurs coups puis remonter sous l’effet des pouvoirs régénérant de mon healer, je constate que certains monstres passent devant moi, presque indifférents, comme si je n’existais pas, pour se ruer sur mes compagnons, et ce en dépit de ma taille imposante et de ma posture apprêtée au combat. Je parviens quand même et tant bien que mal à « reprendre l’aggro » de certains en utilisant mon pouvoirs, et à les éloigner des autres de mes confrères dont je crains naturellement la mort prématurée du fait d’une situation qui semble se précipiter. Sur l’instant, je n’ai pas spécialement le temps de penser en ces termes à ce qui se passe. Une fois les ennemis terrassés, nous reprenons notre chemin. C’est alors que je constate que l’un d’entre nous, me suit de près, court à ma hauteur et par moment me dépasse… Au moment où je m’apprête à me présenter face à mes ennemis, je vois une flèche partir de derrière moi pour atteindre l’un d’eux, alors qu’ils n’étaient pas encore à portée à ce moment là. Inévitablement, cette action entraîne une réaction de la part du groupe d’ennemis qui se met à se ruer sur nous tandis que j’essaie de reprendre l’aggro, m’adaptant ainsi aux circonstances en me disant qu’après tout, c’est aussi une façon de faire : attirer les ennemis et laisser le tank récupérer l’aggro en empêchant ainsi le reste du groupe d’être la cible. Cependant, à ce stade du Jeu, je ne dispose pas encore d’un pouvoir me permettant d’alpaguer simultanément plusieurs ennemis pour les provoquer et les inciter à m’attaquer…Je ne peux que le faire pour chaque ennemi un par un. Je constate alors presque impuissant à une ruée en notre direction sachant pertinemment que je ne vais pas pouvoir attirer l’attention de tous ces belligérants. Me voilà donc obliger d’accrocher un ennemi qui va alors venir me frapper, tandis que je vais suivre celui qui me dépasse pour tenter d’éviter qu’il vienne au corps-à-corps avec les autres pour attaquer les DPS et les Healers… Pendant que je déplace lourdement mon avatar qui s’est comme dissocié de moi, je regarde inquiet la jauge de recharge de mon pouvoir de grondement qui me sert à reprendre l’Aggro. La situation devient déplaisante, stressante et angoissante bien qu’il s’agisse d’un faible niveau d’intensité. Une fois les ennemis tué, je marque un temps d’arrêt et j’écris au groupe de bien vouloir patienter quelque instants pour pouvoir bien définir les rôles ou du moins pour les rappeler. J’explique que je suis Tank, donc que c’est à moi d’aller au devant des ennemis et de monopoliser leur attention pour nous lancer dans une sorte de ballet de gestes, de coups, d’esquives, de hurlements, de son d’armes, et d’effets spéciaux. J’obtiens une brève réponse de ce confrère qui me dépasse et qui semble vouloir me donner des leçons sur l’art de tanker. Bien sur je ne suis qu’un débutant en la matière, mais je suis sur de m’être référé à ce que l’on m’a appris. Je rétorque que « je sais jouer », comme vexé malgré moi face à quelqu’un qui visiblement se permets bien vite des familiarités.
Alors que j’écris, le reste du groupe semble déjà décidé à poursuivre, commençant à s’éloigner… je me presse donc pour reprendre ma place à la tête du groupe et me lancer de nouveau dans le combat car déjà au loin j’aperçois de nouveaux ennemis.
Lorsque nous abordons un groupe d’ennemis suivant, le phénomène se reproduit mais je parviens brièvement à en déterminer l’origine. Alors que je n’ai pas le temps de prendre ma place de Tank, l’un de nous, le chasseur qui m’avait déjà dépassé auparavant, me devance et attaque les ennemis qui nous prennent alors de vitesse. Arrivant tous en même temps, ils désorganisent notre système de Jeu. Me voilà encore à ne plus savoir où donner de la tête pour reprendre l’aggro des ennemis que j’arrive à capter ici et là, espérant d’une part que nous tiendrons, mais aussi et surtout que je ne serais pas trop responsable de ce qui me fait penser à un « bordel ». Avant de repartir, je m’excuse pour mon incapacité à complètement pouvoir gérer l’aggro en remarquant que cette instance est particulière, puisque les ennemis semblent pouvoir choisir une autre cible que le Tank pourtant présent. Je me permets de réinsister sur l’idée d’une répartition choisi des rôles et sur la nécessité de respecter un minimum les places de chacuns. Encore une fois, le chasseur dont d’ailleurs je n’ai pas retenu le nom, me réponds que ce n’est pas toujours aussi stricte. Mon Maitre qui a, pour l’occasion, pris un autre personnage que celui qu’il incarne habituellement, rappelle avec une pointe d’humour l’importance de jouer en équipe et d’être attentif à la place de chacun. Il laisse entendre, en adressant un message au groupe, que justement l’un de nos compagnon de voyage, le chasseur, n’entend pas ce qu’on lui dit. Ce dernier explique que le rôle du Tank est de gérer l’aggro et que celle qui n’est pas captée par lui doit être gérer par lui, en l’occurrence un DPS jouant archer/chasseur. C’est la première fois que j’entends cette façon de jouer et je remarque immédiatement à quel point cela semble inhabituel. Alors que nous avançons dans l’Instance, de nouveaux se pose la question de la captation de l’aggro au point que nous ressentons le besoin de ré-expliquer les choses. J’ai moi-même besoin de l’écrire : « cela n’a jamais été aussi flou ». Bien sur il ne s’agit pas de se montrer rigide, en l’occurrence, il est bien possible de suppléer à un confrère qui ne parvient pas à assurer sa fonction. Seulement, contrairement au DPS et aux Healers, toujours présents en nombres de manière plus ou moins importante dans les Instances, je suis le seul Tank prévu ici. Ce souhait de s’accaparer l’aggro par le chasseur nous met inévitablement en rivalité, à devoir partager l’aggro, donc la violence de cette place de tank, donc l’attention des deux groupes. Je pense sur l’instant que ce confrère chasseur semble par son individualisme précipiter la désorganisation implicite de nos positions dans l’espaces et quant à nos rôles. Il me vient alors l’idée que je ne sers plus à rien et j’ai l’impression que je ne suis pas suffisamment à la hauteur de la tâche que je dois remplir puisque je n’arrive pas à protéger les autres. Un sentiment de colère et de culpabilité m’envahit tandis que nous nous trouvons sur le point d’affronter le Boss. Bien sur, il s’agit aussi pour moi de me défendre d’un vécu de dépossession et de dévalorisation renforcée par mon statut de « noobs », de débutant inexpérimenté malgré la facilité avec laquelle je suis monté en niveau. Je rappelle que je suis Tank et que je vais donc à l’assaut, devant. Le combat commence : j’utilise d’emblée le pouvoir me permettant de capter l’attention de notre ennemi. Seulement celui-ci dispose de deux acolytes qui se ruent en direction de mes confrères du groupe. Nous parvenons tant bien que mal à nous défaire de ces ennemis.

Le contenus du récit de cet instance est relativement pauvre car le déplaisir du Jeu m’a conduit à oublier de nombreux détails de cette situation. Alors que je remarque que notre amis chasseur n’appartient pas à la même Guilde, et que par conséquent il dispose en référence, d’une autre façon de jouer, qui n’est peut-être pas « mauvaise en soi », mais dont nous n’avions pas discuté avant de débuter la partie.
J’assois mon avatar après lui avoir rendu forme Tauren.
« Que s’est-il passé ? »
Nous discutons avec les membres restants et il semble que nous tombions tous d’accord : l’individualisme et l’absence d’écoute de la part de ce collègue semble avoir complètement destabilisé l’équilibre de notre Jeu. Nous nous laissons, moi le premier aller à des jugements du côté d’une absence de connaissance dans le Jeu, allant jusqu’à dire qu’il ne savait pas jouer.
Puis, je fais la remarque que je n’ai jamais jusqu’alors eu le moindre problème en Instance, car les choses sont plutôt simples et clairs lorsque nous jouons entre membres de la Guilde Ordalie. Nous échangeons alors sur le fait de bien se sentir ensemble dans ce groupe et dans cette Guilde. Je ne peux malgré tout gardé l’intime conviction d’une responsabilité de ma part, avec l’idée que mes confrères encore présents restent bienveillants, n’osant me dire que je n’ai pas suffisamment bien joué mon rôle…

En guise de réflexion

Il est clair que cet épisode présente de très nombreux traits projectifs quant à ma position au sein du groupe. Outre les éléments qui relèvent des projections personnelles, il convient de repérer deux types d’enjeux : l’un individuels et l’autre groupale.
Sur un plan individuel, il semble que l’attitude trollienne de ce chasseur, certainement pas forcément porteuse de mauvaise intentions, est conduit à un triomphe de l’individualisme sur la dynamique groupale et la bonne entente implicite.
Sur un plan groupal, les échanges après l’Instance semblent confirmer l’idée d’un besoin de restaurer et se re-confirmer une « préférence » pour la culture de la Guilde Ordalie : « ça ne se passe jamais comme ça avec Ordalie »…

Il est intéressant de remarquer à quel point cet épisode, banal en apparence, peut réveiller, pour qui se laisse imprégner et immerger dans ce monde, le même type d’angoisse que celle que nous retrouvons au sein d’un groupe non-virtuel, au sens d’un groupe formé par l’absence des corps. Alors, nous pourrions penser que l’illusion groupale ainsi que les mécanismes de constitution du groupe (fantasmes individuels, imago, triangulation œdipienne, enveloppe…)  peuvent être actualisés dans le Jeu à travers les phénomènes d’identification réciproques.

samedi 16 juin 2012

Début d'histoire

"WORLD OF WARCRAFT" : JE JOUE DONC JE SUIS ? - AU COMMENCEMENT ETAIT L'ACTION -

"Un changement s'est produit soudainement devant moi dans la trame des actions coordonnées que nous étions en train d'effectuer ensemble. Un changement attendu et désiré depuis que nous sommes entrés dans cette aire de Jeu : nous venons enfin, avec de la patience, de terminer "l'Instance", donc d'arriver aux termes de cette quête, avec le groupe de la Guilde à laquelle j'appartiens, et par conséquent de réaliser ce projet d'action partagée. Je ressens alors une immense satisfaction.

Les positions de chacun qui étaient jusqu'alors définies implicitement dans l'aire de Jeu évoluent à travers un début de déambulations de certains, ou au contraire d'une immobilité sereine de la part d'autres, tandis que les actions que nous effectuions de manière répétitive et presque mécanique, ou "automatique" par moment, ont cessé immédiatement au moment où le Boss est tombé. Pris dans la concentration et l'observation de l'ensemble des paramètres du Jeu, dans la peau de cet ours furieux et enragé, je m’apprêtais encore à attaquer frénétiquement lorsque je me suis rendu compte que ce n'était plus possible. En effet, à cet instant précis mon Avatar s'est comme "désolidarisé de moi" ou "dissocié de moi" lorsque j'entendis sa voix me dire qu'il ne pouvait plus frapper mon ennemi, et que simultanément apparaissait à l'écran le message m'informant que je n'avais plus de "cible" à disposition.

Pendant le temps de combat, tout le monde était présent dans une sorte d'harmonie et de perfection d'entente : comme un ballet ou un orchestre dirigé d'un regard bienveillant par le Maitre de cérémonie, tel un chef d'orchestre levant par moment soudain le bras pour régénérer les autres et soutenir le rythme de ce qui ressemble à un concerto d'une nouvelle nature. La contre-basse, moi, le seul Tank, un Ours imposant et puissant me lançant à corps perdu dans la mêlée, ouvrait le chemin et appliquais le rythme d'arrière-fond des attaques à travers mes lents coups répétés et mes hurlements à intervalles réguliers. Tel un gong, un tambour ou une caisse de résonance j'imprimais d'un rythme singulier la scène que nous jouions du dedans... Les violons, mes frères et sœurs DPS, de puissants magiciens et archers, restaient à distance et arrosaient nos ennemis régulièrement avec leurs pouvoirs destructeurs, surgissant tels de rapides notes aiguës et acérées jouées avec une précision de chirurgiens. Les jets de sort retentissaient  comme des pics d'intensité nets, réguliers et vifs. Les cymbales, les Healers, situés en retrait du champ de bataille, intervenaient de manière régulière ou plus ponctuelle comme un surgissement vif et claquant en cours de partition pour soigner tout le monde en cours de Jeu et envelopper de leurs auras magiques et régénératrices ceux qui subissaient les assauts. Il s'agit d'un concerto car j'ai l'impression d'un dialogue entre le soliste que je suis, seul en avant sur la scène, au cœur de l'action, et le reste de l'orchestre dont je fais partie et au sein duquel s’actualise ce qui ressemble au différentes étapes d'un mouvement cardiaque...C’est comme si j’étais contre et à la fois avec eux…

Mon "Maitre-Tauren" m'a invité à cette "instance" pour que nous puissions progresser avec les nouveaux-venus, mes frères et sœurs nouvellement arrivés et nés au sein de la Guilde Ordalie, une des Guildes de la "Horde". Je suis l'un de ces nouveaux-venus au monde d'Azeroth, un Jeune Tauren né par une belle journée de Juin, sur la terre-Mère en Mulgore, à Sabot-de-sang, sur le territoire Kalimdor. Je suis au sein de cette fratrie nombreuses « le changeant de forme » qui se transforme pour mieux s'adapter aux situations de Jeu.

Il nous faut tous progresser en faisant du "levelling" : c'est-à-dire pour monter en niveau et pouvoir ainsi développer de nouvelles aptitudes...gagner en maturité, et pour ma part, jouer au passage entre de plus en plus de formes différentes... En effet, je n’ai jusqu’à présent que la forme de félin et la forme d’ours…

Juste après la mort de tous nos ennemis, et l’agonie du "Boss", nous venons à l'instant de partager le butin avant d'assister à la libération du personnage mythique que nous étions venu délivrer...Alors que ce dernier nous félicite, mes compagnons et moi-même, j'entends sa voix tout en lisant le texte qui s'affiche à l'écran et qui reprend fidèlement, mot-à-mot et en temps réel, le contenu de son propos. Il s'agit d'une option que j'ai volontairement "activée" au moment de paramétrer les préparatifs du Jeu afin de pouvoir bénéficier simultanément du son entendu et de l'écrit perçu à l'écran. Cette simultanéité et l’exactitude entre le vu et de l'entendu me donne l'impression d'une fidélité et de quelque chose qui va se soi...

Presque immédiatement après la victoire, chacun y ait allé de son commentaire d'une manière toute personnelle. Certains d'entre nous ont rit, ou applaudi voire acclamé. D'autres effectuaient de petits sauts sur place ou en dessinant un cercle autour ou au centre du groupe. D'autres encore préféraient rester immobiles, contemplatifs ou absents. A ces gestes et ces manifestations de joie se joignirent des commentaires écrits de différentes couleurs. Je comprends très vite que le texte de couleur verte représente un commentaire adressé à tous les membres de la Guilde quels qu'ils soient, ou qu'ils soient, et même s'ils n'ont pas participé à l'Instance. Des compliments ont été adressé de cette manière à l'ensemble de la Guilde comme si la Guilde toute entière avait participé à ce rush. Cela me donne l'impression que "l'ensemble" remercie sa partie articulée...mettant en scène une manifestation d'une reconnaissance mutuelle. Les félicitations nous viennent ainsi comme de l'extérieur du groupe mais d'un autre groupe plus large auquel nous appartenons : un groupe dans un groupe en somme. Puis, des commentaires "internes" au groupe se sont manifestés à travers une couleur bleuté. Chacun remercie les autres du bon déroulement de ce long parcours et je sens poindre ici quelque chose d'un engouement et d'un sentiment agréable et enveloppant de ré-assurance et de plaisir partagé d'appartenir et de participer à cette illusion.

J'observe autour de moi et je constate que mon Maitre-Tauren-"healer" est toujours présent, immobile, face à moi. Le contexte de ce lieu ainsi que la situation de victoire associée à sa posture d'apparence neutre, lui donne une prestance et une certaine gravité. Vêtu d'une tenue très particulière, il semble comme méditer avec un recul sur ces événements. Lui aussi est un Tauren, il me ressemble, je me vois comme face à un autre-semblable, un autre plus sage, un futur ? Il a toujours le mot juste et le ton juste...

Que peut-il bien attendre ? Que pense-t-il alors de ce premier essai ? La récompense que nous avons eu devrait nous suffire en plus de ce plaisir tout particulier de pouvoir jouer ensemble.

Mes autres compagnons sont non loin de là. Deux d'entre eux se rapprochent pour échanger leur butin tandis qu'un autre s'arrête de bouger soudain et que l'un d'eux repart aussitôt que la quête est accomplie. Heureusement que les "Dps" et surtout mon "Healer" m'ont bien soutenu car en tant que seul "Tank" débutant, je n'aurais pas pu venir à bout de cette vague d'attaque tout seul. Je pensais que les Healers étaient les plus "fragiles" des rôles à jouer alors que je viens de découvrir que sans leur présence bienveillante, l'ensemble de l'équilibre du groupe n'est pas possible.
J’assois mon Avatar sur sol en choisissant à l'aide de la souris l'"Emote" "Assis". L'ours que je suis s’assoit alors les jambes pendantes sur le sol, un peu pacha, en attendant quelques instants... Dans Wow, toutes les émotions, attitudes et expressions passent par le Jeu avec le clavier qui permet de taper des messages et la souris qui permet le pointage sur l'action souhaitée et le texte...car il faut pouvoir écrire pour se parler.

Je règle la caméra en jouant avec la molette de la souris afin que mon point de vue co-incide avec celui de mon avatar, passant ainsi d'une vue du dessus, presque d'une position d’extérieur à la scène, à une vue subjective, comme si je voyais par les yeux de l'Ours. En poussant davantage ce Jeu je remarque qu'il m'est possible d'être placé comme devant son museaux, sans pouvoir voir le moindre élément de ce corps d'animal, ce qui me donne l'impression d'être une pure présence désincarnée.

Sans savoir pourquoi, dans un mouvement à peine décidé, je regarde furtivement l'heure à ce moment précis, mon regard hésite quelques instants avant de fixer l'horloge de ma "box Internet" qui affiche 0:30...

Il s'agit d'un moment très court durant lequel je dois réhabituer mon regard à l'espace perceptif au-delà du cadre d'un écran.

"Déjà !" me dis-je avec un sentiment de déception voire d'amertume. Je sais qu'il me faut arrêter la partie.

J'ai besoin d'un léger temps pour m'extirper du monde du Jeu et réfléchir à ce qui s'est passé.

Je n'ai eu le temps de rien faire. J'ai pourtant pris un plaisir tel que je ne me suis même pas rendu compte que cela faisait des heures que j'étais dans ce monde... paradoxalement assis seul devant mon écran d'ordinateur, comme tout mes compagnons de Jeu. Concentré sur les touches et les actions que je devais effectuer pour attaquer frénétiquement mes assaillants tout en veillant à bien attirer leur attention afin que je demeure leur unique cible et que j'encaisse tous les coups à la place de mes confrères. Pour ce faire, j'ai du "charger" au corps-à-corps sur mes ennemis tout en veillant à ce qu'aucun d'entre eux ne s'attaquent  à mon "healer" sans lequel je ne pourrais rester en vie bien longtemps et qui me soigne au fur et à mesure que nous avançons et que ma vie diminue. Je comprends alors qu’il s’instaure quand même une sorte de sollicitude réciproque entre nous. J'ai alors utilisé le pouvoir "Grondement" qui permet de pousser un cri afin d'attirer l'attention et provoquer les ennemis de sorte qu'ils me prennent pour unique cible sans s'occuper des autres membres du groupe, garantissant ainsi la survie du reste de mes compagnons. Tel est mon rôle de "Tank" : ouvrir le chemin en tête, me jeter à corps perdu dans la mêlée, prendre les coups et encaisser pour les autres, attirer à moi les ennemis, leurs colère et leurs attaques par mes rugissements hypnotiques pour protéger le reste du groupe.

Pourtant, j'ai appris l'enjeu du jeu de groupe à mes dépends lorsque, emporté par la fougue de ma jeunesse à Wow, et l'assurance de mes nouveaux pouvoirs, je me suis laissé entraîné comme un ours enragé et que j'ai devancé tout le monde et me suis lancé seul face à une horde d'ennemis. Malgré mes aptitudes de "rage" et de "mutilation", ainsi qu'une vie plutôt importante, je n'ai pas pu tenir longtemps face aux groupes d'attaquants. Les instances obéissent à une sorte de préparation implicite des rôles de chacun et de la position dans l'espace : une logique que ma vitesse à fait avorter. J'observais alors la descente rapide de ma barre de vie, ressentant alors subitement l'angoisse de ne pas avoir été suivi par les autres et notamment mon healer sur lequel je me repose pour récupérer plus rapidement. Soudain, le contrôle de mon avatar s'est suspendu : le charme est passé et je retrouve ma forme initiale. L'ours massif et furieux redevint instantanément le jeune Tauren sans défense que je vois s'étendre sur le sol, inanimé. Je suis mort !

D'ordinaire, un message apparaît à l'écran et me propose de "libérer l'âme" de mon avatar afin de le dissocier de son corps. Je me retrouve alors dans un endroit non loin de celui ou j'ai chuté, face à l'ange de la mort et il m'incombe alors de diriger cette âme pour retrouver mon corps et ainsi pouvoir revenir à la vie. Je remarque que l'âme de mon avatar est une version éthérée de son corps, une copie conforme mais transparente. C'est la première fois que je joue à un Jeu vidéo proposant ce type de réincarnation "active".

Cette phase du Jeu est tout à fait particulière pour quelqu'un qui n'a jamais joué à Wow. En effet, dans la plupart des Jeux vidéo, la mort est un phénomène dont le déroulement peut être plus ou moins variable et dramatisé. En revanche, rares sont les jeux qui proposent, à l'instar de Wow, d'allonger la phase de transition entre la mort et le retour à la vie qui représente alors, dans la plupart des jeux, le recommencement et/ou la poursuite de la partie, souvent depuis le début du niveau ou encore depuis l'endroit du "décès". Je me souviens du Jeu vidéo Counter Strike, qui proposait le principe d'être un "fantôme" lorsque l'on était tué, et de devoir attendre le dénouement de la partie en cours, c'est-à-dire la mort de tous les membres de l'une des deux factions en concurrence, pour pouvoir revivre. Ici, le monde de wow durant cette phase intermédiaire entre la mort et la réintégration du corps présente une apparence différente qui laisse supposer qu'il s'agit d'une nouvelle forme du Jeu dans le jeu. La première fois qu'une telle chose m'arrive, Je suis dérouté sur l'instant car il va me falloir retourner sur le lieu précis de mon décès...comme un fantôme qui errerait en vain pour trouver le repos. Durant cette phase l'écran représente le monde de Wow à travers un prisme de couleur particulière entre le blanc et le translucide. Cette interface nouvelle m'évoque immédiatement ce que j'ai vu au cinéma dans la série le "Seigneur des anneaux" lorsque le héros, Frodon met l'anneau unique à son doigt et qu'il se retrouve dans un monde parallèle à la réalité ou plutôt le même monde vu sous un autre plan. En cherchant à "réintégrer mon corps" je remarque que certaines règles implicites du Jeu vidéo lorsque l'on est vivant, ne s'appliquent plus. D'une part, mon âme est plus légère et facile à manier, et d'autre part elle peut marcher sur l'eau. Je remarque également l'absence totale des ennemis : je suis seul, dans ce plan, seul à errer dans ce monde désert et de transparence... Je ne peux que retrouver le chemin de la réincarnation qu'à l'aide de la boussole située en haut à droite de l'écran, et qui m'indique la direction à suivre pour retrouver mon corps. Déjà dans Counter Strike, le statut de "fantôme" c'est-à-dire de "mort jusqu'au commencement de la manche suivante" offrait la possibilité de traverser les murs ou de s'élever dans les airs sans tenir compte de l'apesanteur. Un fantôme pouvait également suivre un joueur-vivant ou se téléporter directement et successivement près des autres joueurs : gardant ainsi l'idée d'une présence/absence, un "Je te vois mais tu ne me vois pas" qui semble être l'ancêtre du Jeu de cache/cache. Cette propriétés donnait lieu à de nombreux détournement puisqu'un joueur devenu « fantôme » pouvait alors dénoncer la position d'un adversaire, voire même, et c'était souvent le cas, de celui qui l'avait tué juste avant.
La Mort dans Wow est représentée par un statut original qui se distingue de celui de Counter Strike sur plusieurs points. Certaines règles qui s'appliquent durant la partie de Jeu "vivant" sont suspendues mais le joueurs reste soumis à certaines règles implicites qui donne à ce statut de mort, une position particulière. Le joueur peut certes se déplacer plus vite et marcher sur l'eau mais il ne peut ni traverser les structures comme les arbres ou les montagnes ni s'émanciper de la Loi de l'attraction terrestre alors que l'âme a été "libérée". La présence d'un corps à rechercher pour le réintégré me fait penser sur le coup à quelque chose justement en lien avec l'attraction (la traction) du corps.

Cette phrase de l'entre-deux entre le jeu en lui-même, avec la mort, et la reprise du Jeu en cours, m'évoque un sentiment de malaise mêlé à une curiosité et un plaisir important.

Dans le cas du "rush" sur "l'instance", ma mort n'a pas eu le même dénouement. Je n'ai pas "cliqué" pour libérer mon âme. Mon Maitre a simplement utiliser son pouvoir de résurrection sur moi. Après quelques instants de "charge" du pouvoir, un message m'a informé que je pouvais être ressusciter...et si je souhaitais être ressuscité.
« J'ai alors quand même le choix ! »
 Car après-coup, cette élan soudain pour m'attaquer seul aux ennemis était peut-être un moyen d'éprouver ma résistance et le risque de la perte du lien...Peut-être savais-je le risque que je prenais ? et pour le coup j'en était acteur...

Pendant tout ce temps de Jeu vidéo à wow, j'ai joué, parlé, crié, échangé, marché, couru, dansé, frimé, volé, applaudi par l'intermédiaire de mon Avatar. Pendant un moment même, je dirais que je n'aurais pas pu dire "par l'intermédiaire de" car j'ai été ErutanAcum, un Tauren-druide de la Guilde Ordalie, faisant office de "Tank".

Pendant des heures j'ai fais partie de ce groupe tout en parlant en privé à certains membres de ce même groupe.

J'ai ainsi pu expérimenté des dialogue parallèles entre le privé et le public, entre le groupe et l'individu, et éprouver la capacité de jouer...

j'ai aussi rencontré de parfaits inconnus avec qui j'ai discuté un moment.

Dans tous les cas je joue à présent avec des personnes bien vivantes, quelque part en France, dont j'ai pu pour certaines d'entre elles éventuellement voir la photo mais que je n'ai jamais rencontré dans la réalité du monde physique, et que pour la plupart je ne rencontrerai peut-être jamais.

Étrangement pourtant, le tutoiement s’installe rapidement et nous sommes amenés à échanger plutôt chaleureusement dans une sorte d'intimité surprenante, dérogeant aux règles d'éducation et de rencontre d'autres personnes dans la "vie réelle".

tel est mon ressenti lors de cette partie à Wow...


"World Of Warcraft"

Voilà bien un nom qui pendant longtemps a raisonné comme un mot magique entouré d'une aura de superstition tant il avait la capacité de solliciter chez les gens un engouement voire une attraction et une captation tout à fait surprenante autant que des réponses invitant plutôt à la réserve voire à la méfiance...

Sur l'invitation de B. Thiry et avec l'aide de Y. Leroux, j'ai intégré la Guilde Ordalie sur le serveur "Conseil des ombres", une Guilde ouverte au sciences humaines au sein de la faction « Horde ».

Mais pour commencer par le commencement, je vais partir de ce premier message reçu de la part de B. Thiry qui m'invitait à participer à un projet de réflexion original et novateur sur les "M.M.O." ou Jeu en ligne massivement multi-joueurs, et plus spécifiquement à World Of Warcraft, abrégé "Wow". En lisant mon blog, B. Thiry s'était dit que ma participation serait intéressante compte tenu de ma profession mais également de ma position d'ouverture et de réflexion sur le Jeu vidéo.

Je vais alors tenter de détailler de la manière la plus précise possible ce que j'ai vécu, de l'intérieur, en terme d'immersion et d’interrogation et comment j'ai découvert progressivement cet univers depuis ma "naissance" en tant que nouveau joueur, jusqu'à présent.

Je suis de ces psychologues cliniciens qui ont joué de tout âge aux jeux vidéo.
Depuis l’âge d’à peine huit ans, j’ai côtoyé les jeux électroniques. J’ai eu pendant mon enfance le privilège d’avoir à la fois une initiation aux contes et aux jeux traditionnels (jeux de cartes, jeux de l’oie, Jeux de chevaux, peintures, dessins, décalcomanie, coloriage, pâte à modeler, contes pour enfants…)  mais aussi à la culture japonaise adaptée aux enfants français (astro le petit robot, bioman, les maîtres du monde, transformers, saint seiya, dragon ball, Megaman…). Ceci m’a permis d’emblée d’avoir un rapport singulier aux machines et aux robots ou la technologie puisque les japonais transmettent à travers tous ces médias une vision différentes qui s’éloigne de la représentation craintive de l’occident… Très vite, j’ai développé une passion pour tout ce qui est informatique, robotique et  plus généralement pour la construction et l’invention à partir de pièces détachées et de modules s’apparentant à du matériel.
Il a été particulièrement intéressant pour moi de remarquer combien mon parcours de formation universitaire, et la déformation qu'il m'a imprimé, mais aussi le discours social et environnant sur les Jeux vidéo, m'avaient conduit progressivement à reléguer cette pratique au fond, voire un moment au fin fond, de ce que je pouvais dire lorsque j'évoquais mes centres d'intérêts. La formation universitaire semble, dans le domaine de la psychologie, conduire à une préférence pour le littéraire, le mot, ce que nous considérons comme des « relations humaines ». Pourtant, j’ai appris tardivement que certains auteurs s’étaient penchés sur « l’environnement non-humain » et que des recherches intégraient de plus en plus la question de l’utilisation des objets numériques.
 J'ai fini par mettre à jour cet intérêt et même parfois cette passion pour la technologie, le numérique et le jeu vidéo, assumant cet héritage en démarrant un travail de thèse sur les médiations numériques utilisées dans un cadre de soin psychique. J'ai cependant toujours conserver une position de suffisante distance pour ne pas tomber dans la tendance à vouloir faire à tout prix la promotion de ce type d'objet.
Lorsque je découvrais le Jeu en ligne massivement multi-joueurs, c'était par l'intermédiaire de ce que les médias mais aussi mes connaissances et amis m'en disaient. J'avais notamment rencontré un ancien chef de Guilde ainsi qu'un exécuteur qui dirigeait les Raids sur les instances. J'avais déjà compris que les Guildes étaient des systèmes d'organisation très structurés qui étaient bien loin de la description qui pouvait être faite des M.M.O. apparemment responsables de l'isolement sociale...et de toute la misère de la société. Pourtant, je restais pris par les a priori couramment diffuser ici et là au sein des médias mais aussi de la part même des « spécialistes » de la « santé mentale », qui par ailleurs n’étaient pas joueurs et n’avaient même curieusement jamais approché un Jeu vidéo. Sans doute parce qu’ils n’éprouvaient aucune affinités avec les objets numériques ou parce qu’ils ressentaient une résistances en eux qu’ils fallait écouter.

Tout en développant un travail de réflexion psycho-dynamique sur le Jeu vidéo, je me gardais à distance de ce phénomène "M.M.O." qui ne cesse encore aujourd'hui de m'interroger tant le principe de la contrainte de connexion au serveur de l'éditeur du Jeu et que l'idée d'un paiement obligatoire d'un abonnement me semble "contraire" à l'esprit de ce qu'est le Jeu vidéo. Ceci suppose une ouverture sur une nouvelle proposition de définition afin de préciser ce que nous entendons par "Jeu vidéo".

Après une brève hésitation, je me suis mis à commander les exemplaires de ce Jeu y compris ses trois extensions officielles respectivement appelées : The Burning Croisade, Warth of the lich king, et Cataclysme.

La semaine d'attente fut longue. Je me demandais comment allait se passer ma découverte de ce jeu pourtant vieux de plus de dix ans...arrivant comme un nouveau-né dans un monde déjà largement exploré. J'étais impatient et je me mettais à rêver sur le futur univers que j'allais découvrir.

J'en avait entendu parlé :  les instances, les répétitions, les contraintes de la Guilde, la potentialité addictive, la facilitation du repli, la socialisation, l'univers infini, les classes, les factions, les Tank, les DPS, et les Healers...

Après une installation pénible et longue et une série de mises à jour toute aussi importantes pour un Jeu qui, avant même de commencer, d'ores et déjà prend de la place sur le support de stockage, je débutais enfin...

Par chance, Y. Leroux m'a proposé de me "parrainer" afin que je puisse bénéficier d'un temps de découverte gratuit.

Après avoir activer mon compte sur le serveur de l'éditeur du logiciel et après avoir activer les codes de vérification du Jeu, je lançais la partie pour la première fois.

Je lance le Jeu vidéo qui s'ouvre sur une très belle cinématique d'introduction.

Puis, je tombe sur une page avec un énorme et menaçant dragon avachi sur ce qui ressemble aux restent des murs d'une forteresse.

J'accède alors à la page de choix de la faction après avoir de nouveau du entrer mon adresse de compte et mon mot de passe : pour le coup, je suis juste devant une forteresse pour entrer dans ce jeu bien gardé.

Dans World Of Warcraft, il existe deux factions qui s'opposent et se font la guerre sans que l'on puisse déterminer lequel de ces deux "camp" représente le bien et celui qui représente le mal. D'emblée, il est davantage question du sens que l’histoire prend pour chaque "races" prises à la fois dans des tourments internes allant parfois jusqu'au déchirement entre pairs, et des violents affrontement avec l'extérieur, l'autre faction : l'ennemi juré. Outre ce scénario très primaire, l'intérêt de wow se situe davantage dans l'aire intermédiaire qui existe entre les races appartenant à la même faction. C'est dans l'entre-deux-race, que le scénario prend toute sa profondeur puisque les jeux d'alliance, de trahison, de diplomatie et de lien inter-ethnique reflète la complexité des rapports à l'autre-différent de soi, tempérant ainsi un arrière-fond narratif tout à fait tranché et repris par l'interface même du Jeu. Il semble ainsi que sur une toile tendue et rigide se dépose une première couche assouplissant légèrement le support avant qu'un enduis ne marie le tout dans un subtil mélange donnant à ce Jeu vidéo une coloration tout à fait intéressante. Il me vient l'idée que ce Jeu vidéo reproduit même en terme de contenant différentes strates de l'histoire du rapport à l'autre : une position paranoïde d'attaque/fuite, une position d'articulation avec différentes parties ayant chacune des fonctions précises en lien avec l'origne historique et spatiale de chaque race, et une position d'intériorisation supposant la gestion de conflits internes à un groupe.



A "l'Alliance" s'oppose la "Horde"


L'alliance est composée des Humains, des Nains, des Elfes de la nuit, des Gnomes, des Dreneï, ainsi que des Worgens.
La Horde est composé des Orcs, des Morts-vivants, des Taurens, des Trolls, des Elfes de sang et des Gobelins.

Je parcours avec l'intérêt et le plaisir de la découverte les différentes petites images qui représentent chaque race.

Du bout de la main et avec la précision d'un peintre, je parcours la surface de l'écran à la recherche d’informations.

Lorsque je clique sur ces icônes, le personnage représentant la race apparaît et s'anime en mimant une attaque tout en restant sur place. Le graphisme est une peu décevant mais plutôt agréable à regarder. Je n'observe pas une représentation trop proche de la réalité perceptive puisque les couleurs et le style de dessins est teinté d'une touche proche d'une bande dessinée. Je procède ainsi pour toutes les races, au départ indépendamment de leur position et de leur répartition entre Alliance et Horde.

Cependant, puisque la Guilde Ordalie appartient à la « Horde », je sais que je vais devoir choisir à contre-coeur, parmi les races disponibles dans la faction "Horde". A l’origine je me serais bien vu "Humain" ou encore "Elfes de la nuit".

Mon choix initial se portait sur les Humains car d'emblée il m'a semblé que l'analogie morphologique favorisait mon incarnation dans l'Avatar. C'est donc un choix logique, spontanée et proche de ce que fais en générale lorsque je joue : m'identifier au personnage. Les humains ont aussi dans certains Jeu l'avantage d'être présenté comme un peuple complexe, plutôt difficile à comprendre avec de nombreux périples et une grande variétés de choix de vie et de comportement.

Mon choix pour les Elfes de la nuit se comprends peut-être à travers la représentation que je me fais de cette "race" : un peuple de la nuit, magique, pouvant devenir invisible, se fondre dans la nuit, presque transparent et translucide mais sage. Un peuple à la recherche de la connaissance et d'une sorte d'existence harmonieuse et éthérée. Je me représentais cette race comme une race paisible, mystérieuse et énigmatique ayant des pouvoirs sur-humains tels que lire dans les pensées des autres et pouvoirs notamment parler aux animaux.

Je prends le temps de lire malgré tout l'ensemble des descriptions et des histoires car je joue toujours avant tout pour l'histoire c’est-à-dire pour entrer dans l’histoire mais aussi pour l’écrire. Il me semble que l'alliance se démarque de la horde par une côté franchement plus "lumineux" et moins tranchée, ne serait-ce que par l'apparence des personnages et leur différences morphologiques et vestimentaires. Le terme même d'alliance m'évoque davantage celui d'une harmonie ou d'un "mariage" réussi. La Horde regroupe quant à elle des races tout à faits différentes qui pour certaines ne m'attirent pas du tout, et qui plus est, des races qui ne sont pas toutes de plus bien intentionnées. La Horde m'évoque aussi l'idée de quelque chose de moins harmonieux, de plus désorganisé et davantage pulsionnel et violent, un divorce consommé ou un mariage plutôt bruyant.

Etrangement, moi qui ne connais pas l’histoire au moment où je commence le Jeu, je me demande pourquoi ces deux factions se font la guerre ? : pourquoi cette mésentente originelle ? pourquoi cette lutte faite de conquête et de défaite, de legs de territoire et d’annexion ? Pourquoi par exemple les Elfes de sang appartiennent à la Horde tandis qu’ils sont proches des Elfes de la nuit en apparence mais aussi au fond sur ce qui les détermine ?

Après-coup, cette idée de l'Alliance et de la Horde me fais associer sur la Horde primitive dont parle S. Freud dans "Totem et Tabou" et que j'associe à mon vécu pendant "l'instance". Mais je pense aussi à la guerre mondiale qui a vu s'opposer la "triple entente" à la "triple alliance" qui a déchiré l'Europe pendant des années du premier quart de vingtième siècle. Pourtant, l'histoire nous a montré que la différence d’appellation ne témoignait pas nécessairement de grandes différences sur le fond.
Je me questionne aussi sur cet univers familiale chaotique entre une alliance, promesse d’éternel, et une Horde qui serait dans l’instant.

Je remarque qu'il est possible de choisir son sexe : je choisi un avatar de sexe masculin car j'ai rarement pris plaisir à choisir un avatar de sexe féminin sauf dans Diablo II, ou alors sauf si celui-ci m'était imposé comme dans "Métroïd". De nombreux jeu vidéo qui mettent en scène le Héros m’évoque la représentation d’un homme fort et/ou puissant, qui parvient comme dans la mythologie, à défaire ses ennemis et la mort, contre toute attente. La civilisation de la Grèce antique nous en à léger de nombreux exemples…
Tout en parcourant les descriptions de races disponibles, je suis attentif à la spécialisation que l'on doit choisir.

En effet, j'ai en tête de jouer un "druide" comme j'ai pu le faire précédemment dans d'autres Jeux vidéo car pour moi le druide se rapproche le plus de la représentation que je me fais du personnage que je souhaite incarner c'est-à-dire de l'ensemble des représentation qui forme un tout avec lequel je m'identifie le plus facilement et avec lequel je me sens proche. Généralement, les Druides sont proches de la nature et de la terre-mère, et ils vivent en communion et en co-habitation avec les animaux mais aussi avec les esprits. Il respectent leur héritage et se montre sage et soucieux de leur environnement. C’est également un ensemble de valeur vers lesquels je tend personnellement.

Par le passé j'ai aimé joué des rôles de Paladin, de chevalier avec une épée : signe d'une position héroïque au sein de Jeu mettant en scène le sauvetage d'une princesse ou la réalisation d'une quête pour le bien commun et la justice. J'ai aussi joué Barbare ou guerrier mais le côté désorganisé et féticheur du combat me semblait éloigné de l'histoire tempéré d'un homme faisant son chemin. Bien que je sois de ces joueurs qui joue aussi pour arriver à la fin et battre le Boss final, j’aime découvrir en profondeur l’univers dans lequel je m’immerge.

Or, je remarque que certaines spécialités sont indisponibles à certaines races. Il faut donc pouvoir choisir à partir d'un double critère de choix qui détermine la direction que l'on souhaite donner à son personnage entre la race et la spécialité.

Parmi les spécialisations disponible de manière générale, wow propose : Guerrier, Paladin, Chasseur, Voleur, Prêtre, Chevalier de la mort, Chaman, Mage, Démoniste, Druide.

Je suis dans un premier tenté par les Elfes de sang parce qu'ils sont la race qui se rapproche le plus de mon choix initiale des humains et des Elfes de la nuit avec lesquels il partage à la fois une certaines physionomie et le nom. Je sélectionne la race en question et utilise les deux petites flèches situées en dessous pour le faire tourner sur lui-même et ainsi pour le voir sous tous les angles.

Cependant, le côté un peu trop lumineux, épuré et filiforme des Elfes de sang ne me convient pas d'autant qu'il ne peuvent pas devenir Druide. Alors de toutes les autres races restantes, une seule retiens mon attention : Les Taurens.

Les Taurens sont un peuples de créatures d'apparences bovine mais bipèdes, qui vivent en harmonie avec la nature et les animaux. Ces Grands Taureaux qui ne m’inspire au départ pas l’envie d’y jouer, présentent un mode d'organisation qui rappelle celui des indiens d'Amérique avec une pointe de tradition celtes. Leur apparence plutôt imposante et relativement impressionnante est tempérée par une sérénité et une forme de douceur.
Mon choix pour un druide s'explique aussi par une précédente expérience de Jeu vidéo au sein de l'univers de Diablo II qui m'a permis de découvrir ce type de personnage qui se caractérise par deux aspects récurrents. Tout d'abord, le druide présente toujours une faculté de transformisme/polymorphisme c'est-à-dire de la capacité de métamorphose donc de changement d'apparence à volonté et en fonction des situations rencontrées. Le druide est une classe de personnage qui se transforme en animal de type félin, loup, ours/grizzly, aigle ou corbeau. qui présente un lien d'affinité fort avec la nature, qui lui permet d'invoquer des esprits et de se faire accompagner par des animaux de la forêt. Il présente également parfois des capacités de régénération par la nature ou les plantes. Dans certains Jeu, le Druide peut également se spécialiser dans le contrôle des éléments. Enfin, le Druide est un des personnages qui peut s'avérer polyvalent malgré une expérience importante dans son domaine. S'il peut être guerrier, le Druide n'a pas nécessairement l'apparence d'un héros solitaire protéger derrière sa lourde armure impénétrable : il est plutôt sensible, intuitif et résistant.

Je remarque qu'une fois la race choisit, seule la forme ou la nature de l'habit du personnage ainsi que l'objet qu'il tient signalent visuellement la différence de spécialisation. Je m’attendais à davantage de différences au niveau de l’apparence.

Une fois mon choix fait, je modifie l'apparence de mon nouveau Tauren-Druide auquel je donne le nom de ErutanAcum qui est un mot composé de l'anagramme de Nature (Erutan) et le suffixe Acum, un suffixe d'origine gauloise qui signifie en langue gauloise et latin "sanctuaire" ou "l’origine familiale de quelqu’un". Au départ, je comptais lui donner un nom et un prénom afin de marquer l'idée d'une filiation. Puis, j'ai trouvé intéressant de lié des deux notions dans le mot composé Erutan et Acum.

La personnalisation de l'Avatar se fait à travers plusieurs items : la peau, le visage, les cornes, la couleur des cornes et la pilosité.

L'Avatar Tauren-Druide porte par défaut une tenue marron et rouge pâle qui rappelle une tenue traditionnelle des indiens. Je choisis une couleur de peau proche de la mienne tout en prenant soin de l'accorder avec la couleur de l'habit de l'avatar. L'ensemble de la couleur donne une impression d'unicité plutôt que de contraste avec un timbre chaleureux et harmonieux. Mon choix est sous-tendu par une volonté de ne pas contraster entre la couleur de peau et la couleur du vêtement comme pour renforcer l'effet perceptif d'une continuité entre ces deux éléments de nature pourtant différente. Ceci donne l'impression que les vêtements sont au plus près du corps ou issus de la peau.

Je choisis des traits du visage plutôt fins et peu agressifs avec une impression qui me semble plus interrogative et accueillante que menaçante. L'apparence du Tauren participe déjà à un style plutôt imposant voire effrayant.

Pour ce qui est des cornes, je teste les différentes représentations proposées afin de les appliquer sur le modèle que je perçois face à moi. Je retiens immédiatement la seule forme qui sort du lot : celle qui représente l'une des cornes cassée. Je refait un tour des différentes possibilités avant de revenir sur mon choix initiale : je note au passage l'immédiateté des changements souhaités et décidés par une simple pression sur une touche mais aussi la capacité à revenir en arrière sans conserver la trace de ces changements. Mon Tauren, moi-Tauren-druide, serait avec une corne brisée. J'imagine le scénario de cet accident. Il aurait voulu s'affronter à un groupe plus fort que lui, et notamment à un autre plus important. Autre version : sans écouter les conseils, il se serait jeté à corps-perdu dans une aventure qui le dépasse et y aurait laissé des plûmes. Enfin, il aurait pu également s'être fait couper la corne soit en signe de défaite en duel ou plutôt encore comme rite d'initiation signant sa maturité : "pour ne pas casser sa pipe en allant au casse-pipe". Ainsi la coupure et non la cassure de la corne aurait été volontaire, en guise d’un signe d’affiliation.

Concernant la couleur des cornes, je choisis la couleur la plus douce qui rappelle celle de la peau.

Pour ce qui relève de la pilosité, je décide de doter mon Avatar de quelque chose qui ressemble à ma physionomie : il portera une barbe naissante mais pas d'anneaux dans le nez ou objets de la sorte car j'ai pris partie pour une immersion au sein d'un univers, comme un anthropologue, et dans la peau d'un Avatar dans lequel je serais à l'aise et sur mesure.
Pas de cheveux longs ou de style trop extravagant. Un style sobre, plutôt épuré mais dans lequel je me re-trouve.
Il n'y a plus qu'à cliquer sur le bouton "accepter" pour que la partie commence...

vendredi 8 juin 2012

Ragefeu : refoulement du meurtre du père

Le monde de World of Warcraft est vaste. Certaines zones du jeu sont appelées des instances. Ces instances permettent à un groupe de joueurs de combattre les dangers qui s’y cachent sans être dérangés (ou aidés) par d’autres joueurs. La première de ces instances est le Gouffre de Ragefeu, accessible aux joueurs de niveau 15. Ce premier donjon est petit mais permet de se familiariser avec le système du jeu à cinq joueurs. Un joueur seul de niveau 15 ne peut affronter les périls du Gouffre.
Arrêtons-nous un moment sur l’importance scénaristique de ce donjon. En effet, en tant que donjon initiatique, il donne aussitôt le ton et s’avère d’ailleurs directement lié au destin de Thrall que nous connaissons depuis la fin du Cataclysme.
Le gouffre de Ragefeu est une grotte située en-dessous de la capitale des orcs, Orgrimmar. L’entrée de cette grotte se situe dans la Faille de l’Ombre et évoque une gueule béante. Elle abrite des membres de la Lame Ardente, qui n’est autre qu’un groupuscule appartenant au Conseil des Ombres. Ce Conseil des Ombres est tout-à-fait central dans l’histoire du peuple orque. En effet, il s’agit d’un groupe créé à l’initiative de Gul’dan, anciennement chef spirituel des orcs. La particularité de Gul’dan est qu’il délaissa le lien avec les esprits de la nature afin de conclure un pacte avec une entité démoniaque qui contamina les orcs de Nagrand. Gul’dan est dès lors à l’origine des guerres contre les autres races et de l’invasion d’Azéroth. Afin d’évincer les chefs de clans qui ne se ralliaient pas à sa cause, il décida de les assassiner. Tel fut le sort de Durotan... père d’un nouveau né qu’un humain recueillit et prénomma Thrall. Le destin de Thrall sera de retrouver sa liberté, de purifier ses semblables de la contamination démoniaque, de renouer avec la puissances des esprits ancestraux, de rassembler les tribus orques, de rallier d’autres peuples à sa cause et de maintenir une cohésion au sein d’une nouvelle faction, la Horde. Orgrimmar représente symboliquement l’achèvement de ces objectifs. La capitale se dresse dans un désert aride dont le nom évoque le père de Thrall : Durotar. Ce détail n’est probablement pas dû au hasard : c’est confronté à l’absence de son père que Thrall devra construire son identité en se nourrissant de différents maîtres que je n’évoquerai pas ici. Notons juste que l’ambiance aride, suffocante et désertique de Durotar (mais aussi d’Orgrimmar) semble renvoyer au manque émotionnel provoqué par la mort du père de Thrall. Cet héritage mortifère sera transcendé par ce chef orc mais restera continuellement latent. Le Gouffre de Ragefeu est une directe émanation de ce retour du passé. Orgrimmar est en constant danger d’invasion des agents du Conseil des Ombres, ce même conseil qui a assassiné son père. La situation géographique du Gouffre, situé sous la ville dans la Faille de l’Ombre, évoque les zones cachées, inconscientes, du psychisme. C’est dans ces zones inconscientes que le souvenir du meurtre du père s’avère relégué. Thrall n’en parle jamais ouvertement et pour cause, il tente de maintenir ce souvenir au fond de lui-même. Or, l’esprit humain ne se satisfait jamais de l’oubli. Au contraire, les souvenirs douloureux ne restent jamais définitivement dans l’ombre et ressurgissent de manière impromptue. Oui, Orgrimmar est une puissante forteresse qui résiste aux assauts des ennemis extérieurs. Mais voilà, elle est menacée par un petit groupuscule qui reste tapi dans ses fondations.
Le combat contre les lieutenants du Conseil des Ombres dans le Gouffre de Ragefeu renvoie à un mécanisme de refoulement des souvenirs douloureux de Thrall. Les tuer, c’est apaiser la mémoire en souffrance. Bien évidemment, ils ne meurent jamais et l’effort doit être continuellement répété. Ce mécanisme de refoulement psychique est banal et normal. Il vise à désinvestir certaines pensées (des représentations psychiques) afin d’en investir d’autres, moins dangereuses, moins porteuses d’angoisse. La victoire des joueurs dans le Gouffre de Ragefeu signe donc le succès des mécanismes de refoulement  des représentations anxiogènes liées au passé de Thrall.

lundi 21 mai 2012

Ordalie recrute des membres

La guilde Ordalie (Conseil des Ombres) ouvre ses portes aux joueurs de World of Warcraft du domaine des sciences humaines.
Ordalie est une guilde de niveau 19 qui privilégie le PvE de niveau moyen (instances à cinq et raids aléatoires), le PvP (BG aléatoires ordinaires et arènes) mais surtout les discussions agréables entre membres. Les joueurs de bas niveaux sont les bienvenus. Aucune exigence (disponibilités horaires, devoirs envers la guilde, présences obligatoires, etc.) n’est fixée si ce ne sont la sympathie et la maturité. Les membres conservent une complète liberté de jeu.
Le but actuel est de permettre à des joueurs issus des sciences humaines (psychologie, sociologie, anthropologie, histoire, etc.) de découvrir le jeu et d’évoluer ensemble.
Le cas échéant des recherches et des publications scientifiques pourront être envisagées. En effet, plusieurs membres de la guilde sont cliniciens, chercheurs, formateurs ou chargés d’enseignement, habitués à encadrer des recherches de niveau universitaire. La guilde est dès lors apte à offrir un certain encadrement méthodologique aux personnes qui en formuleraient la demande

Les candidatures sont à introduire dans le jeu par courrier au maître de guilde Ouriagan ou à l’un de ses conseillers : Deloise ou Eodh. Le courrier fera état de la motivation du candidat à intégrer la guilde. Toute candidature sera étudiée avec attention par les responsables de celle-ci.

Ordalie appartient à la faction Horde du serveur Conseil des Ombres de World of Warcraft.

dimanche 13 mai 2012

Le parcours initiatique de Thrall

En juillet 2011, je proposais une lecture psychanalytique de l'histoire de Thrall. Orphelin, ce jeune orc dut apprendre la voie des éléments afin de libérer ses semblables de la contamination démoniaque. Il est à l'origine de la création de la Horde dont il devint le chef. La découverte ultérieure de ses origines ne le laissa pas indifférent car il reprit son initiation chamanique, quittant ses responsabilités politiques.
L'année dernière, le réveil de Ragnaros par Aile de Mort confronta Thrall à d'anciennes problématiques qui sommeillaient jusqu'alors. Il dut traverser des épreuves en lien avec sa propre histoire. Depuis l'écriture de mon texte, Thrall a poursuivi son évolution, jusqu'à devenir un des puissants Aspects. Aile de Mort a été vaincu et le Cataclysme évité. Évidemment, il n'y serait jamais parvenu sans l'aide des joueurs (ah ! ce combat sur l'échine du dragon noir !).
Depuis la création de Warcraft, force est de constater que le personnage de Thrall constitue un fil rouge majeur du scénario. Son évolution s'apparente à celle d'un héros de conte de fées qui murit au travers d'épreuves initiatiques difficiles.