Un fief de l'Alliance |
Sorti le 23 novembre 2004, World of Warcraft (wow) vient de
fêter ses dix ans, peu après la sortie de la cinquième extension, Warlords of
Draenor. Une telle longévité n’est pas anodine dans le monde du jeu vidéo et s’explique
par les innovations que les développeurs ont continuellement apportées au jeu.
Il en résulte que les joueurs âgés de quatorze ou quinze ans lors de la
découverte du jeu sont actuellement âgés de 24 ou 25 ans, c’est-à-dire qu’ils
sont devenus adultes. C’est l’occasion de souligner une nouveauté majeure dans
la dernière extension, celle du fief.
Le fief est une parcelle de terrain qui appartient au joueur et sur lequel il
établit puis développe une base. Cette base abrite un hôtel de ville, centre de
commandement d’où le joueur gère la construction des autres bâtiments et gère
les activités de sujets qui lui sont loyaux. Entre-temps, le personnage des joueurs est devenu commandant.
La gestion du fief est une innovation originale dans wow qui apporte un
gameplay complémentaire à celui qui existait jusqu’alors.
En outre, cette fonctionnalité du fief induit également un changement de statut chez le joueur. En
effet, jusqu’alors, les personnages effectuaient les diverses missions dans le monde,
retournaient en ville, y géraient leurs objets (banques, commerçants et hôtel
des vente) puis s’y déconnectaient. Cela permettait au personnage de « se
reposer ». Il existait donc une culture
citadine dans wow, la cité étant vue comme un lieu d’échanges, c’est-à-dire d’interactions
entre les personnages (qu’ils soient joueurs ou non-joueurs).
Or, l’extension Warlords of Draenor modifie ce mode d’interactions.
Et pour cause, le personnage n’est plus le simple aventurier lambda mais a fait
l’objet d’une promotion officielle :
c’est le chef de l’Alliance ou de la Horde qui l’a chargé personnellement de
gérer les positions stratégiques en Draenor. Ce passage au statut de commandant
marque donc une évolution symbolique
extrêmement forte. D’un point de vue psychologique, on peut y voir là une maturation permise par la reconnaissance des instances dirigeantes
du groupe d’appartenance. Cette
maturation va de pair avec une autre action symbolique : l’octroi d’une
parcelle de terrain, c’est-à-dire d’une place
reconnue pour le joueur. Cette notion de place est importante en psychologie
puisqu’il s’agit de l’espace au sein duquel un individu peut exprimer ce qui le
distingue d’autrui. Pour être soi-même, il faut disposer d’un espace minimal de
liberté. Le passage du statut d’enfant à celui d’adulte invite chaque individu
à faire sa place, à se distinguer des
autres, à être éventuellement en désaccord avec eux, bref, à marquer son
territoire. Dans les sociétés occidentales, l’homme adulte prend des décisions
personnelles, est capable de répondre de ses choix et dès lors de mener sa
propre vie. Il s’agit d’un idéal libéral
très puissant notamment hérité de la révolution américaine (1763) puis
française (1789) et de la philosophie des Lumières. Dans wow, voici donc notre
personnage disposant d’une telle place.
Le jeu va même plus loin : il met à la disposition du joueur plusieurs
dizaines de personnages non-joueurs qui sont à ses ordres. Le voici donc
directeur d’une petite puis d’une moyenne entreprise qu’il doit développer. A
cette fin, il dispose de plusieurs ressources.
Des ressources importantes sont les composants,
c’est-à-dire des matériaux qui peuvent être travaillés et modifiés afin d’être
utilisés ou vendus à d’autres joueurs. Mais les ressources les plus importantes
dans ce fief sont sans conteste les ressources que l’on appelle humaines. Autrement dit, il s’agit des travailleurs. Ceux-ci ne sont pas tous
égaux : ils ont des spécificités, des forces, des faiblesses. Ils doivent
donc être utilisés à bon escient et peuvent ainsi développer leurs propres
compétences et dès lors progresser. Wow se met ainsi à proposer une initiation
intuitive et ludique au rôle de manager d’entreprise,
si l’on peut la qualifier ainsi en suivant les terminologies contemporaines.
« Devenez entrepreneur en 10 leçons » pourrait-on entendre en gérant
son fief.
Il semble donc loin, le temps où le jeune personnage de
niveau 1 devait tuer six cochons pour en ramener les oreilles à un personnage
non-joueur souhaitant cuisiner son repas du soir. Oui, il a grandi, il a sué,
il a connu des déceptions, des énigmes à résoudre, il s’est fait des amis, il s’est
fait apprécier, il a fait montre de ses loyautés et n’est plus le même qu’initialement.
Il a sa place dans la structure politique de l’histoire et exploite cette place
de manière la plus responsable possible. Il y a parfois moyen de devenir adulte
sans même s’en rendre compte.
Un fief de la Horde |
La suite ! La suite !
RépondreSupprimerTu devrais (non tu dois) publier ta vidéo sur le Paladin et en donner une version texte !
La vidéo sur la paladin est encore ici (avec sous-titres) : https://www.youtube.com/watch?v=dPVT5OnOEWU
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